Réarmement européen : quel serait le bon format des industries de défense européennes ?

26 avril 2025

By Fabrice Wolf

Depuis plusieurs semaines, les dirigeants, en Europe, multiplient les annonces appelant à un réarmement européen, promettant tous une hausse sensible de l’effort de défense de leur pays, pour relever le défi qui se présente.

Aux côtés des ambitions qui commencent à émerger, dans toutes les chancelleries, autour des questions budgétaires, commencent à pointer certaines annonces autour de l’augmentation des capacités industrielles de défense, de la part des grandes entreprises de défense européennes.

Cependant, si de nombreux écrits se sont penchés sur l’objectif à atteindre, et des contraintes qui s’y appliquent, en termes de format des armées, aucun n’a été consacré au dimensionnement industriel européen, dans toute sa complexité, pour atteindre l’indispensable autonomie stratégique indispensable à la crédibilité dissuasive du vieux continent.

Dans cet article, nous étudierons l’ensemble des paramètres et des contraintes qui interviennent dans la solution à cette question : quels sont les besoins de production, en Europe, en matière d’armement et de munitions, pour relever les défis sécuritaires à venir ?

Sommaire
1. Le format des industries de défense européennes, un paramètre clé pour le réarmement européen, comme pour son potentiel dissuasif
* Les enseignements de la guerre en Ukraine
* L’industrie de défense, un outil central pour dissuader l’adversaire potentiel

2. La complexe équation du bon format de l’industrie de défense européenne
* Quels sont les besoins des armées européennes pour dissuader un adversaire comme la Russie ?
* À 10 ans, ne pas laisser la Russie prendre l’avantage numérique en Europe
* À 30 ans, pouvoir renouveler l’ensemble du parc matériel des armées européennes
* En cas de guerre, compenser l’attrition et la consommation de munitions et de pièces en temps réel
* Trouver le point d’équilibre entre ces trois exigences contradictoires

3. L’Européanisation des équipements des armées européennes est à présent consubstantielle de l’efficacité dissuasive de ses armées.
4. Conclusion

Le format des industries de défense européennes, un paramètre clé pour le réarmement européen, comme pour son potentiel dissuasif
Qu’on le veuille ou non, le format des armées en Europe, est conditionné par la plus importante menace qui s’applique à elle, à savoir la Russie. En effet, s’il est éventuellement possible de hiérarchiser les différentes menaces, pour estimer que certaines d’entre elles sont plus probables que la menace russe, on ne peut ignorer le fait que les armées russes ont un potentiel militaire surpassant, dans tous les domaines, celui de ces autres menaces.

C’est donc cette menace, et nulle autre, qui détermine le dimensionnement des forces, en Europe, d’autant que Moscou a montré, à plusieurs reprises dans un passé récent, qu’il n’hésitait pas à employer son outil militaire, lorsqu’une opportunité perçue apparaissait.

Les enseignements de la guerre en Ukraine
Dès lors, la guerre en Ukraine constitue un excellent point de départ, pour évaluer l’ensemble des besoins des armées européennes, mais aussi des faiblesses perçues par le Kremlin, pour se convaincre de la pertinence de s’engager dans une opération militaire spéciale, comme de la poursuivre.

Ainsi, en février 2022, la décision d’attaquer a été conditionnée par la perception, côté russe, d’une force armée ukrainienne défaillante et désorganisée, donc incapable de s’opposer à une offensive éclair des forces aéroportée et mécanisées russes, contre Kyiv, Kherson, et Kharkiv, tout en évitant soigneusement la zone la mieux défendue, alors, le Donbass.

En outre, les autorités russes avaient interprété les atermoiements et le manque de fermeté des occidentaux, face au déploiement de forces russes aux frontières de l’Ukraine de mai à décembre 2021, comme une indication d’une non-intervention de leur part.

Soyons honnête, si le président Zelensky et son gouvernement n’avaient pas refusé l’évacuation proposée par les États-Unis, au soir du début de l’offensive, pour organiser la résistance des armées ukrainiennes, il est probable qu’Européens comme Américains, auraient admis le fait accompli russe, se contentant de certaines sanctions temporaires pour exprimer leur mécontentement.

Après l’échec de l’offensive initiale et le retrait des forces russes sur la ligne Surovikine, il était raisonnable de penser que Moscou allait être contraint de négocier un retrait complet d’Ukraine, notamment alors que les pertes enregistrées en six mois de conflit, au sein des armées russes, excédaient déjà celles de l’ensemble de la guerre d’Afghanistan.

Pourtant, le Kremlin fit exactement l’inverse, en organisant une vaste mobilisation de 300,000 hommes à l’automne 2022, et surtout, en réorganisant, à marche forcée, son industrie de défense, pour s’engager dans un conflit d’attrition, pariant sur ses moyens excédants largement ceux de l’Ukraine, spécialement en matière industrielle et humaine.

Ce second volet de cette guerre, fut, on le voit à présent, un succès pour le Kremlin, nonobstant les plus de 500,000 jeunes hommes russes tués ou blessés pour y parvenir, faisant autant de victimes, côté ukrainien.

L’industrie de défense, un outil central pour dissuader l’adversaire potentiel
Que nous enseignent ces deux volets de la guerre en Ukraine ? D’abord, qu’il est nécessaire de disposer de forces armées suffisantes, en nombre et en équipements, pour ne pas prêter le flanc aux armées russes, et au Kremlin, qui pourraient y voir une opportunité d’intervention, sachant que Vladimir Poutine ne fait pas mystère de son ambition de rétablir la Russie dans ses frontières du début du siècle dernier.

Ensuite, que les européens doivent disposer d’une capacité de production industrielle suffisante, pour ne pas s’exposer à une possible guerre d’attrition, qui viendrait éroder, dans le temps, ses moyens militaires, sachant que le sacrifice des russes ne semble en rien constituer un frein pour Vladimir Poutine, ni pour les russes eux-mêmes d’ailleurs.

Au-delà des aspects liés au budget et aux ressources humaines, ce constat met en lumière le rôle déterminant du format de l’industrie de défense européenne, dans l’équation militaire, évidemment, mais aussi, dans l’équation dissuasive, sachant qu’une industrie de défense suffisamment dimensionnée, pour éliminer le paramètre attrition, élimine tout intérêt pour mener une guerre d’attrition, comme c’est le cas depuis le début de l’hiver 2023, en Ukraine.

La complexe équation du bon format de l’industrie de défense européenne
Or, ce qu’a également montré la guerre en Ukraine, c’est qu’un changement de format de l’industrie de défense, représente un exercice à la fois long et difficile. Ainsi, Dassault Aviation a dû réduire sa production annuelle de Rafale pendant un an et demi, de 2023 à 2025, avec à peine plus d’un avion fabriqué par mois, pour lui permettre de passer de deux à trois appareils livrés chaque mois, à partir de 2026.
De fait, il est indispensable, dès à présent, d’anticiper le format de production nécessaire et suffisant, en Europe, concernant les grands équipements industriels de défense, pour réarmer les armées européennes, dans les délais requis, alors que la Russie va pouvoir consacrer l’ensemble de sa production industrielle défense, à l’augmentation des moyens de ses armées, avec la probable prochaine fin de la guerre en Ukraine.

Dans le même temps, le format résultant de production devra être soutenable, au-delà de la période de réarmement, vis-à-vis des besoins de renouvellement des équipements des armées européennes et de l’export, mais aussi permettre une remontée en puissance très rapide, pour compenser l’attrition de combat, comme en Ukraine, le cas échant.
Surtout, il sera indispensable de trouver un équilibre entre ces trois équations différentes, afin de maintenir une efficacité industrielle et économique suffisante, pour ne pas provoquer des effets contraires, et potentiellement désastreux, liés à un pilotage par à-coups de l’industrie de défense européenne, et de l’équipement des armées.

Quels sont les besoins des armées européennes pour dissuader un adversaire comme la Russie ?
Le premier critère à définir, pour répondre à cette problématique, n’est autre que le format des armées européennes, pour répondre efficacement à cette menace, et dissuader tout aventurisme russe en Europe.

Aujourd’hui, en Ukraine, il apparait que les forces russes ont déployé autour de 650,000 hommes, soit la moitié de ses effectifs, et plus largement, la moitié de ses moyens militaires conventionnels.
Il est raisonnable de penser que les européens doivent être en mesure de déployer une force armée équivalente, pour contenir la menace, sachant que l’avantage de la posture défensive et des technologies européennes, dans certains domaines, seront suffisants pour donner une prédominance aux armées européennes face aux armées russes, tout au moins, tant qu’elles demeurent en position défensive.
Toutefois, contrairement aux armées russes, les armées européennes ont une architecture multinationale, leur conférant des possibilités d’emploi plus limitées. Ainsi, aucun pays européen n’engagera plus de 33% de ses forces armées, dans le cadre de la défense collective, à l’exception des pays directement visés par une éventuelle offensive adverse.
Ce faisant, pour atteindre le point d’équilibre global suffisant pour être efficace et dissuasif, les armées européennes doivent disposer d’un potentiel militaire global supérieur ou égal à 1,5 fois les armées russes (33%xA = 50%xB => A = 150% x B).

En d’autres termes, les armées européennes doivent disposer de 1,5 fois plus de moyens que ceux possédés par les armées russes, pour conserver un potentiel militaire et dissuasif suffisant pour garantir la sécurité de l’ensemble de ses membres.

À 10 ans, ne pas laisser la Russie prendre l’avantage numérique en Europe
Cela posé, il est, à présent, nécessaire, pour les européens, d’avoir l’assurance de disposer, sur les dix années à venir, des équipements répondant à cette exigence, sachant que les armées russes vont rapidement pouvoir profiter des moyens de production de leur industrie de guerre, pour renforcer et recapitaliser leurs capacités.

Il s’agit donc d’une course poursuite entre les russes et les européens, de sorte à ne jamais se trouver en situation de faiblesse, le temps d’atteindre un format d’équilibre au-delà duquel les armées russes ne pourront plus progresser.

Sur la base des déclarations, étudiées dans un précédent article, Moscou entend disposer, dans les années à venir, d’un corps de manœuvre fort de 30 divisions, dont cinq blindées, auxquels il sera nécessaire d’ajouter les moyens confiés aux forces territoriales.
En outre, la Russie part avec une force existante, tout comme les européens, de sorte que la progression linéarisée peut s’exprimer par la formule suivante.
(10 ans x Production annuelle Europe) + Stock euro >= 
1,5 x (stock Ru + (10 ans x prod Russe))
soit
Production annuelle Europe >= 1,5 x (Prod Russe + (Stock Ru-Eu)/10)

Dans le cas des chars de combat, le stock Euro atteint 1500 unités, le Stock russe 2500 exemplaires, et la prod russe autour de 250 chars par an. Dès lors, la production annuelle européenne devrait atteindre, pour cet aspect, 1,5 x (250 + (2500-1500)/10) = 600 mbt par an, pendant 10 ans, pour un format, à terme, de 5000 chars côté russe, et de 7500 côté européens.

À 30 ans, pouvoir renouveler l’ensemble du parc matériel des armées européennes
Au-delà de la phase de réarmement, il sera nécessaire, pour les européens, comme pour les russes, de renouveler leurs équipements de défense. Aujourd’hui, la durée de vie prévisible, pour un équipement moderne entré en service, il y a peu, s’établit autour de 30 ans, sachant que le tempo technologique, lié à l’aggravation des tensions internationales, a sensiblement augmenté ces dernières années.

Réarmement européen : quel serait le bon format des industries de défense européennes ?

De fait, ils devront être en mesure de renouveler leurs flottes d’équipements, tous les 30 ans, mais aussi d’alimenter la demande export hors Europe, les exportations d’équipements de défense représentant une composante clé de la soutenabilité budgétaire de l’effort de défense, comme le lecteur attentif de Meta-defense, que vous êtes, le sait parfaitement.
Or, aujourd’hui, le rapport européen entre budgets d’équipement et exportation, atteint 25 %, avec de très importantes variations selon les pays, la France étant celui qui affiche le taux le plus favorable, avec un montant exporté annuellement, dépassant la moitié des dépenses nationales en matière d’équipements militaires.

Quoi qu’il en soit, ici, il faut donc s’assurer de disposer, dans les 30 années à venir, d’une capacité de production annuelle équivalente à :
Production annuelle = 
(Dimension de la flotte européenne d’équipements / 30) x 1,35
1,35 représentant l’objectif d’exportation moyens des équipements.

Dans le cas des chars de combat, la flotte ayant un format de 7500 unités, la production annuelle de renouvellement et d’exportation doit atteindre (7500/30) x 1,35 : 337 chars par an, dont 87 destinés à l’exportation extra-européenne.

En cas de guerre, compenser l’attrition et la consommation de munitions et de pièces en temps réel
Enfin, il est indispensable, pour maintenir une posture dissuasive crédible, mais aussi pour mener les opérations militaires, le cas échéant, de disposer d’une capacité de production, en temps de guerre, suffisante pour compenser l’attrition d’un engagement de très haute intensité, entre la Russie et les européens.

Réarmement européen : quel serait le bon format des industries de défense européennes ?

En moyenne, l’évaluation de ce besoin est particulièrement difficile, d’autant que la guerre Russie-Ukraine, ne permet pas d’aisément transposer l’intensité d’un engagement russo-européen, qui serait d’une échelle toute autre.

Pour autant, l’attrition de combat globale, dans des conflits majeurs, dépasse rarement les 15 % par an, ce qui exigerait de disposer d’une capacité de production, en pointe, équivalente à 15 % du format de la flotte engagée.

Or, dans le cas d’un conflit russo-européen, il convient de rappeler que les européens, conserveront toujours au moins 33 % de leurs moyens, pour la défense ultime de leur pays, soit :
Production annuelle attrition europe >= Format de la flotte / 10

Toutefois, ce besoin peut s’évaluer de manière différente, par exemple, en considérant les capacités de production de l’adversaire, dans certains domaines exigeant une consommation de moyens connue, comme dans le cas des missiles antiaériens face à la production de missiles de croisière et de missiles balistiques, corrigé du taux probable d’interception, soit :
Production annuelle consommable euro >= 
Production russe cible x coeff. Correction

Dans le cas des chars de combat, employé depuis le début de la démonstration, ce besoin de production serait donc de 7500 / 10, soit 750 chars par an. Dans le cas des missiles antiaériens à longue portée, employés pour contenir la menace des missiles de croisière et des missiles balistiques, ainsi que la menace aérienne, les besoins de réassort seraient équivalents à la production russe de l’ensemble de ces missiles et aéronefs, soit 250 missiles + 30 avions = 280, compensés d’un coefficient de correction de 1,5, considérant qu’il est nécessaire de tirer 1,5 missile par cible, soit 420 missiles par an.

Trouver le point d’équilibre entre ces trois exigences contradictoires
Reste que toute la difficulté, à ce niveau de la démonstration, sera d’atteindre un point d’équilibre entre ces trois valeurs, pouvant revêtir des réalités très différentes. Ainsi, en appliquant ce modèle, concernant les chars de combat, il serait nécessaire de produire 600 chars par an jusqu’en 2035/2036, puis 337 au-delà, tout en étant capable de remonter à 750 chars par an, en cas de conflit.

Or, l’industrie de défense produit des performances économiques et technologiques d’autant plus élevées, qu’elle peut s’appuyer sur une planification ferme à long terme, et à des variations faibles et/ou prévisibles.

Des solutions peuvent, toutefois, être envisagées, pour réduire les effets délétères de ces variations potentielles, sur la planification et l’efficacité industrielle. Ainsi, il est possible de planifier l’extension de l’outil industriel, pour intégrer, dès à présent, les possibles augmentations de besoins, liées à la compensation de l’attrition, la plus contraignante, sans toutefois y consacrer les investissements humains et/ou technologiques pour y parvenir, tout en s’assurant d’un potentiel de montée en puissance en une année.

Dans le même temps, l’écart entre la phase de remontée en puissance sur 10 ans, et la phase de renouvellement, sur 30 ans, peut s’atténuer, par exemple, par la création d’un stock stratégique servant aussi bien à l’exportation, qu’au lissage des besoins industriels, mais aussi en soutenant les exportations pour atteindre une efficacité comparable à celle de la France, le seul pays disposant aujourd’hui d’une offre globale, en Europe, en matière d’industrie de défense.

L’Européanisation des équipements des armées européennes est à présent consubstantielle de l’efficacité dissuasive de ses armées.
Dans tous les cas, cette démonstration montre, sans doute possible, que le recours à ces équipements importés, mais aussi à des équipements produits sous licence, représentent une faiblesse stratégique pour l’Europe, et en particulier, pour le caractère dissuasif de son effort de défense, quelle que soit la perception de l’urgence des besoins d’équipements.

En effet, pour maintenir une posture dissuasive efficace, face à un adversaire potentiel comme la Russie, il est non seulement indispensable de disposer des forces à déployer en miroir, mais également, de disposer de l’outil industriel suffisamment dimensionné, et dénué de toute interférence extérieure, pour soutenir cette posture dissuasive, dans la durée.

Dans ce contexte, le recours à des équipements étrangers, ou intégrant des composants étrangers, représente donc une faiblesse majeure, que l’adversaire connaitra nécessairement, et au sujet de laquelle il déploiera toutes les mesures nécessaires, pour tenter de la faire dérailler.
Rappelons, à ce titre, qu’Israël, comme la Corée du Sud, n’ont jamais accepté de livrer des matériels militaires à l’Ukraine, ni que des matériels militaires liés à leur propre industrie de défense, soient livrés par leurs utilisateurs à l’Ukraine, ce, depuis le début du conflit.

Dès lors, rien ne garantit aux armées européennes ayant fait le choix du K2 Black Panther, du K9 Thunder, du Spider ou du missile EuroSpike, qu’ils seront en capacité de renouveler leurs stocks, en cas de conflit, par des matériels identiques, ou simplement de maintenir en condition de combat leurs équipements, le cas échéant, que ce soit pour ne pas provoquer la colère des 12% d’électeurs israéliens d’origine russe, ou de risquer un conflit avec la Corée du Nord, alliée de Moscou.

Il en va, bien évidemment, de même pour ce qui concerne les matériels américains, maintenant que Washington et Moscou sont engagées dans un tango torride, sur fond de vente à la découpe de l’Ukraine, et de deals autour des terres rares.

Conclusion
On le voit, l’européanisation des moyens militaires employés par les armées européennes, comme le dimensionnement efficace des capacités de production de ces équipements, par les industries de défense européenne, sont des sujets riches et complexes à appréhender, et surtout à équilibrer, tant ils recoupent des attentes et des exigences contradictoires.

Pour autant, ils constituent, au même titre que l’augmentation des formats et des moyens budgetaires des armées, des éléments consubstantiels de l’efficacité des forces armées européennes, ainsi que de leur potentiel dissuasif, face à la Russie, comme à tout autre adversaire.

Pour répondre à ces besoins et ces exigences, une réflexion, à l’échelle européenne, voire interalliée, doit être entreprise, non seulement pour engager cette indispensable européanisation, qui n’a pas cours, encore aujourd’hui, mais aussi pour exploiter, équilibrer et dimensionner parfaitement les moyens, entre alliés, de sorte à éviter les capacités de sur et sous-productions, liées à des perceptions instantanées d’opportunités commerciales, économiques, voire politiques.
Ainsi, aujourd’hui, il n’y a qu’un unique modèle de chars de combat produit effectivement en Europe, à un rythme bien trop faible, alors que les capacités, en matière de production de véhicules blindés légers, sont excessives. C’est aussi le cas dans le domaine naval, alors que dans le domaine des missiles antiaériens, antibalistiques, de croisière ou balistiques, l’offre est largement sous-dimensionnée, et qu’elle est totalement inexistante, concernant les systèmes de frappe d’artillerie à moyenne et longue portée, comme les LRM.

Il ne s’agit, évidemment, pas de préconiser une standardisation absolue des équipements des armées européennes, au travers de grandes concentrations d’entreprises, comme parfois mises en avant, notamment à Bruxelles, le modèle ayant montré toutes ses limites, en matière de production aux États-Unis, eux aussi, sévèrement sous-capacitaires, et exposés à des prix souvent très excessifs.

Toutefois, il s’agit de créer un écosystème industriel, à l’échelle européenne, voire interalliée, en y intégrant, par exemple, le Canada, pour s’assurer de répondre efficacement à l’ensemble des besoins, et ce, dans les trois phases évoquées dans cet article.
Reste à voir si, au-delà des discours, les européens sauront faire preuve de la rigueur et de la sagesse nécessaire pour s’engager dans cette voie, ou si, comme jusqu’ici, l’illusion des résultats rapides, politiquement valorisables, s’imposera, au détriment de la posture défensive globale. La balle est dans le camp des gouvernements, et l’histoire à venir, en sera leur seul juge.

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