L’Allemagne entrouvre la porte à une coopération nucléaire avec la France

27 mai 2025

Longtemps réticente à toute forme de soutien à l’énergie nucléaire, l’Allemagne amorce selon la Société française d’énergie nucléaire un changement de posture qui pourrait redéfinir la coopération énergétique en Europe. Alors que Berlin a définitivement fermé ses dernières centrales nucléaires en avril 2023 dans le cadre de sa politique de sortie du nucléaire (« Atomausstieg »), les responsables allemands se montrent désormais plus ouverts à un dialogue avec la France, puissance nucléaire européenne assumée.

Cette inflexion intervient dans un contexte de crise énergétique prolongée et d’objectifs climatiques de plus en plus pressants. La guerre en Ukraine et la fin des importations russes ont exposé les fragilités du modèle énergétique allemand, très dépendant du gaz naturel. Cela pousse Berlin à reconsidérer certains tabous, dont celui du nucléaire civil. S’il ne s’agit pas pour l’Allemagne de relancer son propre parc nucléaire, l’idée d’une coopération technologique, scientifique et industrielle avec des partenaires comme la France est désormais envisageable.

La France, qui mène depuis plusieurs années une diplomatie proactive autour du nucléaire, notamment à travers la création de l’Alliance européenne du nucléaire, voit dans cette ouverture allemande une opportunité stratégique. Cette alliance regroupe aujourd’hui 14 États membres favorables à l’intégration de l’atome comme levier de la transition énergétique européenne.

Des pistes de coopération sont à l’étude : développement commun de technologies de nouvelle génération (comme les petits réacteurs modulaires – SMR), mutualisation des compétences en ingénierie, coopération dans la recherche ou encore actions coordonnées au sein des institutions européennes pour faire évoluer la taxonomie verte.

Ce rapprochement franco-allemand dans le domaine nucléaire ne signifie pas un alignement immédiat des politiques énergétiques. L’Allemagne reste fermement engagée dans le développement des énergies renouvelables et exclut tout retour de l’atome dans son mix national. Mais ce dialogue pragmatique marque une rupture avec le clivage idéologique qui dominait jusqu’alors. Il témoigne aussi d’une reconnaissance implicite du rôle que peut jouer le nucléaire pour assurer une électricité décarbonée, stable et souveraine au niveau continental.

Si cette dynamique se confirme, elle pourrait favoriser une approche plus unifiée de la politique énergétique européenne. Une coopération nucléaire franco-allemande pourrait ainsi faire levier pour structurer une stratégie européenne plus cohérente, entre ambition climatique, sécurité d’approvisionnement et réindustrialisation.

En définitive, l’ouverture allemande représente moins un virage qu’un pas vers une forme de réalisme stratégique. Et pour la France, c’est l’opportunité de renforcer son leadership européen sur l’atome tout en consolidant l’axe franco-allemand sur un sujet autrefois conflictuel mais aujourd’hui crucial.