Résumé
La Russie intensifie ses préparatifs militaires pour un éventuel affrontement avec l’OTAN, notamment en renforçant considérablement ses effectifs militaires et ses capacités industrielles de défense, selon des analyses du renseignement allemand. Vladimir Poutine envisagerait ainsi une provocation militaire contre la Pologne ou les pays baltes afin de tester la détermination occidentale, scénario confirmé par des experts militaires et économiques. Le général allemand Carsten Breuer avertit que même la fin du conflit en Ukraine ne ramènera pas la paix en Europe, la Russie se préparant activement à mener un conflit conventionnel majeur contre l’Occident dès le début des années 2030. Ce contexte alarme l’OTAN, poussant notamment les Pays-Bas et la Pologne à réaffirmer leur détermination à défendre les frontières orientales de l’Europe face à une menace russe persistante.
Texte complet traduit
Avertissement sérieux : Poutine planifie une provocation militaire contre l’OTAN
Frankfurter Rundschau, 30 mars 2025, 16h28
Par : Karsten-Dirk Hinzmann
Artillerie sur roues : les canons et les chars constituent le grand avantage de l’armée russe. Même en Ukraine, la Russie mène une guerre d’artillerie à laquelle l’OTAN, et particulièrement l’Allemagne, est mal préparée. Ici, un lance-roquettes multiple BM-21 Grad près de Koursk (image d’illustration). © IMAGO / Sergey Bobylev
La Russie intensifie son réarmement. Selon les services secrets allemands, Vladimir Poutine cible désormais la Pologne ou les pays baltes.
Berlin – « La Russie se prépare à une grande guerre », avertit Carlo Masala. Ce politologue de l’Université de la Bundeswehr à Munich a débattu avec Carsten Breuer dans l’émission « Maischberger » de la chaîne ARD sur ce que l’armée d’invasion de Vladimir Poutine pourrait envisager après une éventuelle stabilisation du conflit ukrainien. Breuer, en tant qu’inspecteur général, est le plus haut gradé militaire de la Bundeswehr et avait déjà souligné début 2024 dans Welt am Sonntag : « Nous devons être prêts à mener une guerre dans cinq ans » – une année est déjà écoulée depuis cette déclaration. Le temps presse.
Rheinmetall profite massivement de la guerre en Ukraine
Selon divers médias, une analyse conjointe de l’armée allemande et des services de renseignement fédéraux (BND) indique que la Russie se prépare à un futur affrontement avec l’Occident. Poutine aurait doublé le nombre de soldats par rapport aux effectifs d’avant-guerre, selon Carsten Breuer sur « Maischberger », avec des structures militaires clairement orientées vers l’ouest, comme en témoignent les nouveaux districts militaires créés à la frontière occidentale russe, notamment à Moscou et à Leningrad. « Ils ont mis en place des structures qui démontrent clairement une volonté de pression accrue sur l’Occident », déclare Breuer.
La stratégie de Poutine : La Russie se considère en conflit systémique avec l’Occident
Selon le journal Bild, la Russie se voit dans un conflit systémique avec l’Occident, une analyse corroborée par les médias Süddeutsche Zeitung (SZ), WDR et NDR. Une évaluation très récente du contexte politique réalisée par les services secrets constituerait la base des discussions actuelles à Berlin.
« Par conséquent, la fin de la guerre en Ukraine, aussi souhaitable qu’elle soit, et malgré les efforts de chacun pour y parvenir, ne signifiera pas le retour de la paix sur le continent européen », a précisé Carsten Breuer lors de l’émission « Maischberger ».
« Visiblement, l’armée allemande et les services secrets ne souhaitent plus être pris au dépourvu comme à l’hiver 2021/22, lorsque le BND n’avait pas cru à une invasion malgré un important déploiement russe à la frontière ukrainienne », écrivent les journalistes Manuel Bewarder, Florian Flade et Jörg Schmitt de la SZ. D’après eux, bien que le rapport ne mentionne pas explicitement une confrontation imminente entre la Russie et l’OTAN, il indique que la Russie travaille pour pouvoir mener une « guerre conventionnelle à grande échelle » dès le début des années 2030.
Contrairement aux attentes de nombreux analystes, la Russie semble capable de supporter économiquement ce conflit militaire usant depuis plus de trois ans. Selon Thomas Urban, dans le magazine Cicero, Poutine se considère comme destiné par la providence à restaurer l’empire russe. Ainsi, les analystes du BND supposent également que Poutine continuera d’agir depuis une position de force, comme l’indique la SZ. L’an dernier déjà, Sabine Adler, ancienne correspondante à Moscou pour Deutschlandfunk, prédisait à ZDF Heute que Poutine était au sommet de son pouvoir : « S’il n’est pas arrêté, il cherchera un nouveau front après l’Ukraine. »
L’Europe prend conscience : l’économie de guerre russe est capable de produire un surplus
L’évaluation de Carsten Breuer est partagée par divers analystes militaires. Julian Cooper, du think-tank britannique Royal United Services Institute (RUSI), se demande ainsi comment l’industrie russe de défense a pu augmenter rapidement sa production. Selon Richard Connolly du RUSI, cité par Cooper, la Russie disposerait d’une « économie de type kalachnikov » : simple, robuste, et adaptée à une production de masse en période de conflit. La Russie aurait augmenté sa production en imposant à ses ouvriers des journées de 12 heures sur six jours par semaine.
Ainsi, les services allemands adhèrent à la thèse selon laquelle la Russie pourrait poursuivre la guerre en Ukraine au moins jusqu’à la fin de l’année. Selon Bild et SZ, l’économie de guerre russe serait non seulement capable de compenser les pertes dues au conflit ukrainien, mais aussi de générer un surplus. Breuer a également observé l’accumulation de matériel russe dans des dépôts. Par ailleurs, la Russie souhaite augmenter ses effectifs militaires de 1,3 à 1,5 million d’ici 2026, et renforcer de 30 à 50 % son arsenal près des frontières de l’OTAN, selon le rapport du BND.
La guerre en Ukraine : L’armée russe est devenue une organisation apprenante
Selon une étude de Guntram B. Wolff et d’autres chercheurs de l’Institut pour l’économie mondiale de Kiel (IfW), la production russe se serait adaptée à la guerre, évitant ainsi des pénuries majeures. Les auteurs soulignent que l’armée russe est devenue une « organisation apprenante », introduisant par exemple de nouveaux systèmes d’artillerie sur roues pour remédier aux pénuries.
L’OTAN en alerte : Mark Rutte lance un avertissement depuis Varsovie
Cette stratégie russe pourrait permettre à Moscou de déclencher un conflit limité pour tester la détermination de l’OTAN, notamment via une attaque contre les États baltes – scénario envisagé par le rapport du BND. En conséquence, une trêve en Ukraine serait dangereuse pour l’Occident, permettant à la Russie de réapprovisionner ses stocks militaires.
En visite à Varsovie, Mark Rutte a averti que l’alliance militaire transatlantique répondrait « de toutes ses forces » à une attaque, selon Politico. Lors d’une conférence de presse commune, le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré que « la Pologne assume pleinement la responsabilité de sécuriser sa frontière orientale, qui est aussi celle de l’UE ». Outre les pays baltes, la Pologne serait l’une des premières cibles potentielles d’une offensive russe.
Pour le général allemand Carsten Breuer, la fin de la guerre en Ukraine ne serait donc qu’une étape intermédiaire pour Vladimir Poutine : « Par conséquent, la fin de la guerre en Ukraine, aussi souhaitable qu’elle soit, et malgré les efforts de chacun pour y parvenir, ne signifiera pas le retour de la paix sur le continent européen », a-t-il conclu chez « Maischberger ».